By walidK


Le président tunisien Moncef Marzouki s’oppose fermement à l’adoption de la Charia comme source principale de la législation dans son pays, où le mouvement islamiste Ennahdha  a remporté les élections sans pour autant avoir la majorité nécessaire pour gouverner ou légiférer seul. « Ennahda est elle-même un spectre: au sein du parti, il y a une extrême droite qui, de temps en temps, parle de charia. Alors nous intervenons, et on leur dit : Pas question », a-t-il déclaré au quotidien français le Monde.  Et d’ajouter : «on a accepté de travailler avec les islamistes. Nous avons organisé de vraies élections, qui ont donné 89  sièges Ennahda  au sein de l’Assemblée constituante alors que pour gouverner ce pays, il en faut 117. Nous aurions pu dire : "Débrouillez-vous !" Nous aurions pu faire un gouvernement entre laïcs, sauf que sur la gauche, il y avait des extrémistes laïcs pour qui "islamistes = terroristes" et qui ne voulaient aucune relation avec ces gens-là. Nous, nous étions au milieu, et nous n'aurions pas pu, de toutes façons, faire un gouvernement avec ces extrémistes laïcs de gauche – dont je faisais partie au départ. Je me suis orienté vers le centre, car j'étais persuadé que le pays devait être gouverné par le centre ».
Chef du Congrès pour la République, un parti du centre-gauche  duquel il a démissionné après son  accession à la présidence, M. Marzouki  qu’il a exigé le respect de certaines lignes rouges avant de s’allier avec Ennahdha . « Lorsque nous avons fait un programme avec les islamistes, ils avaient davantage besoin de nous que nous d'eux, dans la mesure où ils ne pouvaient pas gouverner ce pays sans une coalition. En discutant du programme avec eux, nous leur avons dit : "Si nous allons vers un gouvernement de coalition, nous avons besoin d'être rassurés, il y a des lignes rouges : les droits de l'homme, les droits de la femme, les libertés publiques, etc." Et ils ont dit OK à tout, car ils n'avaient pas le choix », précise-t-il.
Le président tunisien a , par     ailleurs, estimé que les islamistes ont évolué. « Dans les années 1980, nous, les militants des droits de l'homme et les démocrates, nous avons travaillé sur la partie centrale du spectre islamiste. Nous avons cassé son unité, et nous en avons démocratisé une grande partie – dans les années 1970, Rached Ghannouchi était un salafiste, il le dit lui-même... Cela s'est passé dans les années 1980 et 1990, par l'exemplarité, par le fait que nous nous étions des laïcs et que nous nous sommes battus pour les droits politiques des islamistes et pour qu'ils ne soient pas torturés. Et nous avons gagné une frange qui en est venue à la démocratie. Ce n'est pas nous qui sommes devenus islamistes, ce sont eux qui sont devenus démocrates, et cela s'est fait à la victoire de la démocratie », indique-t-il notant que « l'islamisme, c'est un large spectre, qui va d'Erdogan [le premier ministre turc] aux talibans».