Par Mohamed Khaled Hizem

Une salle de prière caractérisée par la qualité remarquable de ses ornements

 

Vue partielle de la nef centrale de la salle de prière. Celle-ci présente une multitude de colonnes, provenant principalement de Carthage, qui furent récupérées de divers édifices d'époques romaine et byzantine. La nef centrale forme une allée majestueuse conduisant vers le mihrab, dont la partie supérieure est ornée d'un revêtement en plâtre finement sculpté. (crédit photo : Ashkan Ahmadi)

 


D’une superficie de 1344 mètres carrés, alors que l’ensemble du monument s’étend sur près de 5000 mètres carrés, la salle de prière de la mosquée Zitouna, épousant la forme d’un quadrilatère de cinquante-six mètres de long et de vingt-quatre mètres de profondeur, est divisée en quinze nefs, perpendiculaires au mur de la qibla, dont la plus importante, la nef centrale, est plus large que toutes les autres.

 

Les nefs, séparées par des rangées de colonnes, supportent, par l’intermédiaire d’abaques et d’impostes, des arcs en plein cintre outrepassés, soigneusement appareillés. Cette salle spacieuse, entièrement couverte, à l’exception de la zone du mihrab, de plafonds en bois à solives apparentes, auxquels sont suspendus de superbes lustres, subjugue le regard tant ses composantes architecturales et ornementales sont d’une valeur exceptionnelle. Il s’agît, en premier lieu, de la multitude de colonnes, majoritairement d’époques romaine et byzantine, datant du Ier siècle jusqu’au VIIe siècle ap. J-C., qui proviennent principalement de Carthage.

 

Ces colonnes constituent un véritable musée des fûts et des chapiteaux de l’antiquité et du début du haut Moyen Âge. Ces derniers sont de types variés : corinthiens, composites, en forme de cône renversé, etc. Quant aux fûts, ils sont taillés dans des marbres de couleurs et d’origines diverses ; parmi lesquels figurent le marbre blanc veiné, le cipolin gris, ainsi que les marbres roses, bleutés et verdâtres.

 


Outre ses précieuses colonnes, la salle de prière se distingue également par son mihrab et la coupole côtelée qui le surmonte. La niche du mihrab, qui occupe le milieu du mur de la qibla, fut réalisée à l’époque aghlabide (IXe siècle), mais sa décoration fut presque entièrement remaniée au XVIIe siècle, lorsque l’imam de la mosquée, Taj Al-Arifin Al-Bakri, la modifia en enlevant les plaques de marbre sculpté, datant des années 860, de sa paroi, et en octroyant, à sa partie supérieure, sa parure actuelle. Celle-ci, réalisée en plâtre délicatement ciselé, est composée de motifs géométriques complexes, à l’influence arabo-andalouse, d’une grande finesse d’exécution. La zone du mihrab, résultant de l’intersection de la nef centrale et de la travée de la qibla, est coiffée d’une très belle coupole sur trompes, qui a conservé son ornementation de la période aghlabide.

 

Bien que largement inspirée de la coupole du mihrab de la Grande Mosquée de Kairouan, elle se différencie de son modèle par une subtilité décorative plus marquée, se traduisant par le raffinement de ses éléments sculptés.

 

Un somptueux minaret, le plus haut de la médina de Tunis

 

Gros plan sur la partie supérieure du minaret.
De section carrée, il s'inspire du minaret de la mosquée de la Kasbah,
élevée, de 1231 à 1235, par le sultan hafside Abou Zakariya Yahia.

Parmi les plus beaux ornements du minaret, figurent les entrelacs et les arcs à claveaux bichromes.
(crédit photo : Afef Abrougui)

 


Surplombant les toits et les terrasses, cette tour majestueuse, haute de quarante-quatre mètres, est certainement le minaret le plus élevé de la médina.

Cependant, sa construction est relativement tardive, car il fut inauguré en 1894. Le minaret actuel, qui se trouve à l’angle nord-ouest de la cour, succède, sur le même emplacement, à deux minarets plus petits et moins ornés. Le plus ancien, datant du règne de la dynastie hafside, durant la première moitié du XVe siècle, était vraisemblablement d’une architecture austère et d’une hauteur limitée.

 

Ce premier minaret fut profondément remanié et considérablement agrandi à l’époque mouradite, sous le règne de Hammouda Pacha (1631-1666). Le minaret mouradite, de base carrée et culminant à une trentaine de mètres, se terminait par un lanternon octogonal surmonté d’un toit pyramidal.


En 1892, lorsque le second minaret menaça de s’effondrer, l’administration, chargée des Habous (biens de mainmorte) de la mosquée Zitouna, décida d’édifier un minaret plus impressionnant et plus digne du prestige de cette dernière. Les travaux, confiés aux maîtres-maçons Slimane Ennigrou et Taher Ben Saber, aboutirent à l’édification, deux ans plus tard, d’un admirable minaret, ayant pris pour prototype le minaret de la première mosquée de rite almohade, celle de la Kasbah, édifiée de 1231 à 1235, par le fondateur de la dynastie hafside, Abou Zakariya Yahia (1228-1249).

 

De base carrée, la tour, dont la décoration puise dans le répertoire ornemental hispano-mauresque, présente, sur les quatre faces, un jeu d’entrelacs en pierres de taille sculptées et polies. La partie supérieure est percée, également sur les quatre faces, de cinq arcades identiques dont les arcs, outrepassés et légèrement brisés, sont pourvus de claveaux bichromes. Le minaret est couronné d’un lanternon de section carrée, qui est coiffé d’un toit pyramidal revêtu de tuiles vertes vernissées ; chaque face du lanternon est agrémentée d’une arcade aveugle, tapissée intérieurement de céramiques à dominante bleue. Des merlons en dents de scie surmontent aussi bien le corps principal du minaret, que son lanternon.

 

Plus qu’un lieu de culte, un centre de savoir arabo-musulman...Lire la suite