Tourbet El Bey, l’auguste panthéon de la dynastie des Husseinites…

 

 Gros plan sur les sépultures des monarques husseinites dans la salle des souverains, la plus importante chambre funéraire de Tourbet El Bey. Cette pièce, somptueusement décorée, dans sa partie inférieure, d'une marqueterie de marbres polychromes à forte influence italianisante, renferme treize tombeaux de Beys régnants. Ces tombes, en marbre blanc, sont richement sculptées de divers ornements, parmi lesquels figurent des rinceaux et des motifs floraux. (crédit photo : Mourad Ben Abdallah)

 

La salle des souverains, une miniature de la salle de prière d’une mosquée ottomane


Outre l’ampleur de ses proportions, ce qui distingue Tourbet El Bey des autres mausolées de la médina de Tunis, c’est la remarquable diversité de ses ornements, ainsi que de ses influences architecturales et décoratives. Se combinant harmonieusement, celles-ci sont tant locales, qu’ottomanes, arabo-andalouses et italiennes. De l’extérieur, le majestueux complexe funéraire, dont l’unique entrée consiste en une grande porte à arc outrepassé brisé, située sur son côté occidental, présente des façades en pierre de taille, un grès coquiller soigneusement appareillé. Ces dernières sont rythmées de pilastres et d’entablements, réalisés en calcaire clair, dont la sculpture trahit une forte inspiration italianisante. De plan irrégulier, l’édifice comporte huit salles principales, toutes couvertes de coupoles de formes variées, bulbeuses revêtues de tuiles vertes ou ovoïdes blanchies à la chaux, quelques pièces annexes, ainsi que deux patios dont le plus ancien est pourvu de quatre portiques identiques ; chacun d’eux possède trois arcs en plein cintre reposant sur des colonnes coiffées de chapiteaux néo-doriques.

Dans cette première cour intérieure, dont le seul luxe est représenté par le marbre blanc des douze colonnes et du dallage, se trouvent plusieurs tombes appartenant à des ministres et à des serviteurs des Beys, à l’instar de Mustapha Saheb Ettabaâ (mort en 1861), mamlouk d’origine géorgienne, qui fut un ministre influent sous le règne d’Ahmed Bey Ier (1837-1855).


La salle des souverains, la plus importante du mausolée, donne sur le portique ouest de ce patio. Celle-ci ne manque pas de susciter l’admiration aussi bien par ses dimensions, que par son parti architectural singulier et sa décoration foisonnante. Si la mosquée Mohamed Bey, également appelée mosquée Sidi Mehrez, construite de 1692 à 1697, est une superbe illustration de l’art ottoman au Maghreb, et constitue, à non pas douter, un unicum dans l’architecture religieuse tunisienne, cette pièce, où sont inhumés treize des monarques husseinites, est également un unicum dans l’architecture funéraire nationale.

 

Reproduisant, à échelle plus réduite, le plan et l’élévation des mosquées turques, à l’instar de celles d’Istanbul, elle se présente comme un espace carré, de quinze mètres de côté, qui atteint douze mètres de hauteur. Quatre piliers, de section cruciforme, surmontés d’arcs en plein cintre, soutiennent une coupole centrale sur pendentifs, d’un diamètre de dix mètres. Cette dernière est flanquée de quatre demi-coupoles, reposant chacune sur deux trompes cannelées en forme de coquille, tandis que quatre coupoles plus petites couvrent les angles de la salle. L’ornementation, particulièrement raffinée, associe la céramique au sol, la marqueterie de marbres polychromes pour la partie inférieure des murs et le plâtre sculpté pour leur partie supérieure, ainsi que pour les calottes des coupoles et demi-coupoles.

 

Alors que les décors en plâtre se rattachent à des influences tant ottomanes, caractérisées par les motifs de cyprès et de vases à partir desquels émanent des rinceaux symétriques, qu’arabo-andalouses avec leurs dentelles de rosaces et d’entrelacs, les panneaux en marbres polychromes sont franchement d’inspiration italienne. Ceux-ci sont garnis d’arabesques végétales, de motifs floraux, de volutes et d’étonnantes représentations animales, figurant des rapaces. La somptuosité de la salle des souverains est accentuée par la splendeur de treize tombeaux en marbre blanc richement sculptés de divers ornements, dont des rinceaux et des motifs floraux.

 

Surmontés de cippes, couronnés soit d’un turban, soit d’un fez, ils appartiennent à tous les monarques qui se sont succédés à la tête de la Régence de Tunis depuis le fondateur de la nécropole, Ali Bey II, jusqu’à Ahmed Bey II (1929-1942), à l’exception de Hédi Bey (1902-1906) dont la sépulture est située dans une autre chambre funéraire du mausolée. Outre les treize tombeaux des Beys régnants, la salle referme trois sépultures de princes du sang, d’aspect plus simple, ainsi que le cénotaphe en bois peint, sculpté d’arcatures, d’un santon local, Sidi Hassen Al-Cherif (décédé en 1777), très vénéré par Ali Bey II.

Par Mohamed Khaled Hizem