Cinq segments encore peu exploités (tourisme des seniors, de santé et bien-être, rural, collaboratif et haut de gamme) pourraient représenter jusqu’à 24% des recettes touristiques tunisiennes d’ici 2030. Cela équivaudrait à 13,17 milliards de dinars par an, avec près de 33.000 emplois créés et plus d’un milliard de dinars de recettes fiscales additionnelles.

Depuis des décennies, le tourisme tunisien repose principalement sur le balnéaire. Cette spécialisation a permis au pays de rester compétitif sur le plan prix en Méditerranée, mais elle expose le secteur aux crises, à la saisonnalité et à la concurrence régionale. Pour sa 9ᵉ édition, l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprise (IACE) a choisi de se concentrer sur ces segments à fort potentiel, en commandant deux études : une analyse prospective sur les secteurs porteurs pour 2025-2030 et une étude sur le cadre réglementaire, identifié comme frein majeur.

Transformer le tourisme tunisien

L’étude prospective menée par l’IACE met en lumière cinq segments capables de redéfinir le paysage touristique tunisien. Aujourd’hui encore marginaux, ces marchés pourraient représenter 13,7% des recettes en 2025, pour atteindre 24,5% en 2030. Il s’agit du:

 

  • Tourisme des seniors :
    des clients européens à la recherche de séjours longs, abordables et combinant loisirs et services médicaux de proximité.
  • Santé et bien-être :
    thalassothérapie, chirurgie esthétique, soins spécialisés, mais aussi spas et cures bien-être.
  • Tourisme rural et maisons d’hôtes :
    un levier de diversification régionale et d’ancrage local, capable de prolonger la saison touristique.
  • Tourisme collaboratif (locatif) :
    une tendance mondiale en pleine croissance, encore peu encadrée en Tunisie.
  • Tourisme haut de gamme : clé pour améliorer la rentabilité et repositionner la Tunisie sur le marché international.

 

Safouen Ben Aïssa, consultant universitaire, souligne le défi : “La Tunisie ne dispose pas de données fiables sur ces segments. Ni l’ONTT, ni l’INS, ni la Banque centrale ne produisent de statistiques suffisamment détaillées.” Cette absence de veille stratégique limite la capacité des acteurs locaux à anticiper et à adapter leurs offres.

Retombées économiques et impact stratégique

Le développement de ces cinq niches pourrait transformer en profondeur le tourisme tunisien. Entre 22.950 et 32.895 emplois nets pourraient être créés d’ici 2030, renforçant le tissu économique local. Les recettes fiscales supplémentaires (TVA, impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu et taxes locales) contribueraient à la stabilité budgétaire du pays.

Au-delà des chiffres, ces niches favoriseraient une diversification régionale et participeraient à la désaisonnalisation du secteur. Seniors, tourisme médical et bien-être, rural et collaboratif permettraient de réduire la dépendance au balnéaire, offrant au secteur un écosystème plus résilient et compétitif, capable de mieux s’insérer dans la compétition méditerranéenne et internationale.

Obstacles et leviers pour décoller

Le développement des niches se heurte à plusieurs freins. Le cadre réglementaire reste souvent inadapté : lourdeur des procédures, lenteur des autorisations et absence de règles claires pour le tourisme collaboratif. L’investissement et la qualité de l’offre constituent un autre défi : attirer des capitaux ne suffit pas, il faut moderniser les infrastructures et renforcer les compétences des équipes pour garantir un niveau de service conforme aux standards internationaux.

Pour concrétiser ce potentiel, il est donc nécessaire de combiner plusieurs leviers. La connaissance du marché permet de suivre les tendances et d’ajuster investissements et campagnes marketing. Un cadre réglementaire clair facilite l’ouverture de centres de bien-être, soutient le rural et le haut de gamme, et encadre la location chez l’habitant de manière transparente et sécurisée. 

La qualité de l’offre reste déterminante : chaque segment a ses exigences spécifiques, et la formation du personnel ainsi que l’adoption de standards adaptés sont essentielles pour fidéliser les clients. Enfin, un marketing ciblé assure que l’offre touche le bon public : Europe du Nord pour les seniors, Golfe et Afrique subsaharienne pour le tourisme santé et bien-être, expériences immersives pour le rural et le collaboratif, luxe et exclusivité pour le haut de gamme.

M. Amine Ben Ayed

En combinant ces leviers, la Tunisie peut transformer ses niches touristiques en moteurs de croissance durable et attractive pour tous les profils de voyageurs.