Habib Bouslama est un hôtelier en colère. A y voir de plus près, il a même de l’amertume. Son secteur souffre et le professionnel n’hésite pas à poser la question qui dérange : Veut-on couler le tourisme tunisien ?

 

Quelle est la situation ?

Habib Bouslama : Le tourisme affronte la pire crise depuis plus de 50 ans. Les pertes dépassent les 50%. En raison des baisses de prix, nous sommes à moins 70% de baisse. Une baisse jamais enregistrée dans l’histoire du tourisme tunisien.

 

Etes-vous inquiet ?

 Et il y a de quoi. Ce n’est pas pour la saison 2012 qui est déjà compromise, c’est carrément pour l’avenir du secteur que je me fais du souci. Celui-ci est menacé. Où allons-nous ? Quand va-t-on se pencher sérieusement sur la question. ? Combien doivent couler avant que l’on agisse ?

 

Le secteur est privé et vous avez les moyens de défendre votre secteur. La révolution sert aussi à reprendre son destin en main…

 Surement. Nous avons autant de responsabilités que l’administration. Nous devons faire front ensemble et ce n’est pas avec la fracture actuelle que nous allons y arriver. Le tourisme est dans l’attente d’un 14 janvier touristique.

 

Quelles mesures préconisez-vous en pareille situation ? Y a-t-il des mesures immédiates qui auraient pu être prises ?

 Lâcher le ciel même progressivement en commençant sur la région de Tunis- Hammamet qui peut plus rapidement se mettre au tempo. Le reste arrivera au fur et à mesure.

 

Réduire la pression fiscale en diminuant la TVA qui,  faut-il le rappeler,  a doublé en 20 ans passant de 6% dans les années 90 à 12% actuellement tout en soulignant qu’un établissement hôtelier peine à collecter 50% de la TVA qu’il paye à la fin de chaque mois. Cela représente 12% de son chiffre d’affaire T.T.C.

 

Réduire considérablement les taxes provenant des alcools importés,  voire  les annuler. Faut-il rappeler également que la législation en la matière dessert l’état et les exploitants.

 

Faciliter tout investissement para-touristique et notamment golfique avec des conditions de financement avantageuses.  Sur 35 000 golfs existants dans le monde, la Tunisie n’en  dispose que d’une dizaine. Imaginez-vous le retard à rattraper sur les destinations concurrentes !

 

Lever les restrictions qui pèsent sur le tourisme résidentiel. Cela va créer une vraie dynamique pour l’ensemble du secteur et de l’économie. Savez vous que nous sommes l’unique destination absente de ce segment touristique en Méditerranée ?

 

Une mesure particulière pour l’année 2012?

 Les mesures relatives au classement des crédits prises pour 2011 doivent concerner 2012 aussi. Le retour à la normale ne sera rétabli à mon avis qu’en 2013.

 

Encore un point à rajouter ? 

Limitons nous à ces quelques points, sans quoi nous allons reprendre l’essentiel des suggestions de l’étude 2016 qui regroupe plus de 160 recommandations. Cette étude constitue l’essentiel de la thérapie dont a besoin notre industrie touristique.

 Avec le report de l’Open Sky, pensez vous que l’on s’entête à sauver Tunis Air et ses 4 000 emplois en prenant le risque d’en couler plusieurs autres milliers ?

 La question mérite d’être posée et reposée.

 

La Banque Centrale de Tunisie vient de sortir une lettre dans laquelle elle recommande à tous les hôteliers de libeller en une monnaie convertible cotée par la Banque Centrale de Tunisie, les contrats d'allotement qu'ils sont appelés à conclure avec les Tours Opérateurs. Qu’en pensez-vous ? 

Insuffisante. Nous avons mis 10 ans pour obtenir une recommandation ! Nous avons perdu un argent fou pendant plus de 10 ans pour aboutir à « un conseil ». Ceci reste une demi-mesure. La Banque Centrale aurait du rendre cette mesure obligatoire. Nous sommes l’une des seules destinations du monde qui continue à signer en dinars avec les pertes colossales que cela implique.

 Expliquez nous…

 En Janvier 2002 quand l’Euro a vu le jour, il valait 1,22DT. Aujourd’hui, il vaut 1,95DT soit un glissement de près de 60% par rapport à l’Euro. Où est-elle passée cette différence considérable ? Avons-nous augmenté nos prix de 60% en 10 ans ? La réponse est bien entendu négative. Cela veut-dire en dinars constants  que nous sommes aujourd’hui entrain de vendre notre produit, l’inflation aidant, moins chère qu’en 2002. Bonjour la rentabilité ou la bonne gestion. A vous de choisir !

 

Propos recueillis par Amel Djait
Mille et Une Tunisie