Dubaï est en quasi-faillite. L’émirat qui a bâti son modèle de développement sur des investissements pharaoniques dans les secteurs du tourisme et de l’immobilier n’a pas pu s’acquitter de sa dette, qui s’élève au total à 80 milliards de dollars. Il a réclamé un sursis de 6 mois pour rééchelonner le remboursement des 59 milliards dus par le conglomérat Dubaï World, le plus large et le plus internationalisé des groupes émiratis.
La nouvelle, lâchée jeudi dernier (encore un jeudi noir) a fait frémir les places boursières mondiales, qui ont chuté tour à tour, et donné des sueurs froides aux milieux des affaires au Maghreb, où les Emirats Arabes Unis sont devenus ces dernières années un investisseur de poids. A Tunis, Rabat et Alger,  le doute qui s’est installée depuis le déclenchement de la crise financière internationale cède la place à une forte inquiétude. Pour l'instant, seul le conglomérat semi-public Dubai World est au bord de la faillite. Mais les marchés ne font guère la différence. Ils sanctionnent toutes les dettes publiques et privées des Émirats.

Les experts sont unanimes: des répliques de ce mini-séisme vont se sentir en dehors de Dubaï , qui va devoir revoir à la baisse ses projets pharaoniques à l’étranger, quitte à perdre définitivement son image de marque. Aux premiers signes de la crise, certains groupes émiratis, dont les engagements globaux  en Tunisie dépassent les 50 milliards de dollars, sont déjà devenus  frileux. Sama Dubaï, filiale du géant immobilier Duabï Holding a déjà donné le ton en laissant à l’état de plans et de maquettes les clinquants gattes-ciel et les hôtels au charme ravageur,  annoncés à une époque où les cours du brut ont atteint des pics, renflouant au passage les caisses des Etats pétroliers. En septembre 2008, Sama Dubaï a dévoilé officiellement son méga projet immobilier et touristique, portant le nom de « Porte de la Méditerranée». Ce projet prévoit un investissement de 25 milliards de dollars divisés en 14 étapes devant durer, pour l’ensemble des travaux, 25 ans.

En octobre 2008, Sama Dubaï ouvre son Centre de marketing et ventes pour commercialiser les différentes composantes du projet « Porte de la Méditerranée ». Il était alors question que le démarrage des travaux du premier lot ait lieu avant la fin de l’année 2008.  En janvier 2009, le groupe émiratie a dissous sa société Sama-ECH Tunisia, créée en 2007 en partenariat avec le groupe britannique EC Harris, pour superviser la construction du gigantesque complexe immobilier.. « Aujourd’hui, ce projet paraît plus que jamais démesuré par rapport à la force de frappe financière des groupes émiratis fortement réduite par la dépréciation des actifs boursiers, la chute des cours du brut et les coupes dans la production décidées par l’OPEP », note un analyste financier tunisien qui a préféré garder l’anonymat.
La même conclusion se dégage d’un rapport élaboré par l’intermédiaire en bourse Tunisie Valeurs.  « La conjoncture internationale pourrait provoquer l’arrêt de certains mégaprojets annoncés par des investisseurs du Golfe ou la révision à la baisse des investissements initialement prévus», précise la société de Bourse dans cette étude sur la durabilité des méga-projets en Tunisie.

Parmi les autres projets qui pourraient être remis en question figurent également complexe immobilier Bled El Ward à l’Ariana (10 milliards de dollars) annoncé par le groupe Al Maâbar International Investements et le port de plaisance Marina El Kessour à Hergla (1 ,8 milliard de dollars), dévoilé par la société Emâar. Cette dernière  fait partie de la holding Dubai, dont la dette s’élève à 59 milliards de dollars alors qu’Al Maâbar, qui n’a donné aucun signe de vie depuis plus d’une année, aurait déjà abandonné son projet tunisien, bien que rien d’officiel ne vienne encore confirmer cette probabilité.

Seul le projet « Tunis Sport City» semble avoir échappé à la lame de fond emporte les projets immobiliers émiratis à l’étranger.   Ce groupe qui ne met souvent en jeu des sommes moins mirobolantes que celles de Duabï World ou Dubaï Holding semble bien avancer dans son projet de construction d’un complexe résidentiel et sportif sur les Berges du Lac de Tunis.

Quoi qu’il soit, les experts estiment aujourd’hui que s’il est vrai que les investissements émiratis auraient pu accroitre la croissance de l’économie tunisienne et créer des dizaines de milliers d’emplois, il n’en demeure pas moins que leur mise en veilleuse ou leur annulation  ne sera pas catastrophique pour l’économie tunisienne qui est aujourd’hui assez  solide et diversifiée. Â