Quel positionnement choisir pour les 10 prochaines années ; un tourisme de masse ou un tourisme de niches?  Quelle Stratégie de communication pour vendre la destination Tunisie ?
Quelle démarche à suivre pour améliorer la qualité des services présentée souvent comme le talon d’Achille du tourisme tunisien ?
C’est essentiellement à ces questions qui dérangent que l’ATUGE (Association des Tunisiens des Grandes Ecoles) a tenté de répondre en choisissant le thème «Le Tourisme à l’heure du marketing»  pour  la dernière édition de son forum de débat mensuel, des Mardis de  l’ATUGE.

Pour braquer pleins feux sur les ambitions de la Tunisie touristiques, l’Association à mis chemin entre think-tank et club réunissant la crème de la crème des compétences tunisiennes a convié  le Ministre du Tourisme Slim Tlatli et des professionnels du secteur, dont des hôteliers représentant les unités The Russelior et le  Sultan Hammamet. Le débat s’est déroulé dans une ambiance décontractée et loin des discours de complaisance. Toutes les questions embarrassantes  sur l’avenir du tourisme tunisien ont été posées.

Et les diverses interrogations ont trouvé des réponses claires et exhaustives de la part d’un ministre qui sait parfaitement l’ampleur du chantier qui l’attend à la tête d’un secteur clé de l’économie tunisienne qui contribue bon an, mal an de 12 à 14% au PIB du pays. Un ministre qui n’hésite pas à dire la vérité toute crue, loin de la langue de bois pour mieux éclairer la lanterne de ses troupes et e l’opinion publique sur les forces et les faiblesses d’une industrie nationale qui ne s’est pas jusqu’ici adaptée aux mutations rapides et radicales que connaît le tourisme mondial. 
Vétéran de la mise à niveau de l’industrie tunisienne (NDLR: il a été le premier  directeur général du bureau de mise à niveau au ministère de l'industrie en 1995), Slim Tlatli semble bien au fait des enjeux de son nouveau fauteuil.  Celui qui fut au cours des cinq dernières années conseiller auprès du Président de la République, président de la Commission supérieure des grands projets avant de devenir ministre de l’Emploi et de l’Insertion professionnelle des jeunes est revenu à ses premières amours. A son dada de toujours: la mise à niveau.

Avec la précision d’un chirurgien, le ministre du Tourisme a « ausculté » les diverses facettes du tourisme tunisien  et prescrit une nouvelle ordonnance de nature à en finir avec les diverses plaies du secteur.
Selon lui, le tourisme mondial a subi des mutations importantes ces dernières années. D’abord, le profil du touriste a beaucoup évolué.: ses attentes, ses désirs, sa façon de consommer son voyage, ses méthodes en matière de choix des  voyages ont radicalement changé. Meilleure illustration de ce changement majeur : un touriste  partage aujourd’hui ses expériences de voyage sur Internet et 75% des touristes choisissent leurs destinations de vacances via  la Toile (tripadviser, blogs).

Le deuxième changement se rapporte à la cartographie du tourisme dans le bassin méditerranéen. Les destinations concurrentes de la Tunisie (Turquie, Maroc, Egypte,  Chypre..) sont devenus de plus en plus agressives, avec à la clef des budgets de promotion trois fois plus importants.

D’autre part, les circuits de distribution ont été bouleversés par Internet, où se fait aujourd’hui 60%  des ventes via des sites transactionnels.
Et last but not least,  de nouveaux types de produits touristiques s’imposent de plus en plus. Cela va du tourisme cultuel au golfe en passant par le tourisme écologique, médical, évènementiel….. Par ailleurs, de nombreux hôtels en Tunisie ont pris un sacré coup de vieux.

L’ordonnance prescrite par M. Slim Tlatli comprend plusieurs éléments. En ce qui concerne l’offre tunisienne de produits touristiques,
le ministre a précisé que la Tunisie  dispose de beaucoup d’atouts pour proposer des produits riches et diversifiés sans toutefois tourner le dis au tourisme balnéaire qui reste la colonne vertébrale du tourisme tunisien. Et ce n’est pas là une spécificité tunisienne. Partout dans le monde le tourisme est avant tout balnéaire. Dans ce chapitre , la Tunisie est bien positionnée. Il n y a pas, donc, de raison pour que la Tunisie plie sa serviette de plage…

La  Tunisie doit en revanche continuer à développer des produits de niche( congrès, événementiel, golf, culturel) afin de rehausser son image . « L’objectif n’est pas de devenir une destination de luxe  car nous n’avons pas des produits qui s’adaptent à ce genre de tourisme », a nuancé le ministre. D’ores et déjà les grandes manœuvres viennent de commencer dans ce sens.  Le ministère du tourisme s’apprête à signer une convention avec les ministères de la Culture et de l’environnement pour  développer le tourisme culturel. Il s’agit pêle-mêle de , revoir les horaires d’ouverture et fermeture des musées et autres sites culturels et de  chasser les marchands et boutiques qui vendent du  n’importe quoi (objets made in China par exemple) devant ces sites.  « On va mettre de l’ordre autour des musées et sites archéologiques », promet M. Tlatli.

A cela s’ajoutent la proposition de circuits thématiques tels que  le circuit des îles ( La Galite, Zembra, Kuriat, Djerba, Kerkennah …) , le circuit des eaux (Zaghouan, Kairouan…) . En d’autres termes, il s’agit de retravailler l’image de la destination afin de créer une identité propre autour des segments ou d’une région.
Exemple : le ministère envisage de créer une région emblématique pour le marché russe qui reste très  important: il s’agit de la région de Bizerte qui a accueilli les réfugiés  russes durant la première guerre mondiale.

Autre segment à développer : le tourisme de résidence pour les séniors qui peuvent bénéficier en Tunisie de la douceur du climat et des prestations de santé de qualité. 

Toujours dans le domaine de l’adaptation de l’offre touristiques aux nouvelles exigences des touristes,  le ministre estime que la Saharien devrait être commercialisé en tant que produit à part entière en inter et en arrière-saison.
Actuellement la courbe d’occupation de Tozeur est la même que celle d’Hammamet ou Sousse. Le ministère tente désormais de booster le sud en subventionnant des lignes aérienne (Tozeur/Milan et Tozeur/Madrid).

S’agissant du marketing, le ministre reproche aux hôteliers de ne pas donner de l’importance à la fonction commerciale qu’il considère quasiment absente. Selon lui,  le service commercial de l’hôtel se contente souvent de signer des contrats avec les TO et se replie la conscience tranquille  une fois que l’hôtel est rempli. Aucun souci pour le yield management. Et c’est là une grosse erreur. D’autant plus qu’il  faut se préparer au low-cost dont les sites Web  sont  très dynamiques, avec un changement de tarifs tous les jours. D’où la nécessité de l’émergence d’une génération d’acteurs touristiques « Web compatibles». « Malheureusement sur Internet les noms de domaines tels que hammamet.com, tunisie.com ou encore jasmin.com ne nous appartiennent pas », se désole le ministre.

  Pour revoir de fond en comble la stratégie de communication de la destination Tunisie, le ministre va lancer une étude marketing qui sera confiée à un bureau international.