Co-fondateur du tour-opérateur  Sun marin et de la société de gestion hôtelière  Hotels & Clubs (H&C), Adel Oueslati est bien placé pour disséquer la situation du secteur touristique tunisien et de proposer des mesures urgentes de relance de cette industrie qui subit encore les contrecoups des révolutions survenues au Maghreb. Cet ancien de Jet Tours,   que Tourismag a rencontré en marge du Salon Mondial Tourisme à Paris (MAP) , reconnaît que les temps sont difficiles pour tous les intervenants sur le marché tunisien et estime que les professionnels doivent modifier leurs packages au lieu de casser candidement les prix.  Entretien

Tourismag : Que pensez-vous du bradage de la destination Tunisie qui se poursuit sous le prétexte de la relance d’une industrie sinistrée ?

Adel Oueslati:  Je suis contre le bradage des prix. Il nous faudra du temps pour retrouver les niveaux d’avant la révolution tunisienne et l’insurrection libyenne. La relance de la destination Tunisie n’est pas une simple question de prix.  Les événements ont eu lieu au moment où le client allait réserver. Raison pour laquelle, la destination souffre.
Le drame des TO ce n’est pas les hôtels mais c’est le transport aérien qui coûte cher.  Bien sûr que le prix aide à encourager les touristes à revenir mais les hôteliers ne vont pas tenir s’ils bradent encore ? D’autant plus que cela va se répercuter négativement sur  la qualité des prestations et par conséquent  sur l’image de la destination qui se trouvera dégradée.
Pour attirer les touristes grâce à l’effet prix, il faut consentir des baisses de prix  tout en modifiant le séjour. Personnellement,  avec Sun marin et hôtel El Fell, le package qui était en tout compris ( all inclusive)  a été modifié en demi-pension. (DP). L’objectif est double : générer du cash sur place (boissons…) et faire marcher les restaurants et les commerces. C’est dire que  j’ai baissé le prix sans toucher à la prestation de service. Sans compter que le pays gagne quelque part…  On connait les coûts et les limites. Au lieu de baisser les prix, les professionnels doivent modifier les packages sans toucher à la qualité des prestations. Il faut que le TO et l’hôtel gagnent sinon l’un d’eux meurt…

D’aucuns plaident pour l’octroi de fonds aux TO pour qu’ils participent à l’effort promotionnel. Qu’en pensez-Vous ?

Je ne suis pas très d’accord ! Je propose plutôt de décorer les vitrines des agences de voyages. Actuellement, si on fait un tour des agences de voyages à Paris, on ne trouve pas la Tunisie dans les vitrines. Il faudra aussi utiliser des slogans qui s’adaptent pour chaque marché ; utiliser  le langage qui marche sur ce marché.
Par exemple, il faudrait décorer 500 vitrines par thème : thalasso, maisons d’hôtes, haut de gamme… Il s’agit de montrer plusieurs facettes de la destination et cibler directement au client final en matière de communication.
Est-ils temps pour que les professionnels du tourisme tunisien investissement massivement dans la formation ?
Nous avons les moyens pour le faire. Il  faudrait aussi amener les institutions internationales spécialisées dans ce domaine. On a besoin de s’ouvrir de  faire des échanges ; des stages.
Quelles sont vos prévisions pour  la saison à venir ?
On vit au jour le jour. Dans l’hôtel je n’ai rien pour l’instant. Il y a une pression des TO sur les prix. Il faut que l’administration soutienne les hôteliers pour qu’ils soient  forts en 2012. Elle  peut décaler les échéances de paiement (crédits , cotisations sociales…) pour préserver les emplois. Il faudra également soutenir les jeunes promoteurs qui ont eu le courage d’investir en Tunisie.

Comment communiquer sur la Tunisie de l’après la révolution ?
Il faut  associer les intellectuels : poètes, réalisateurs, artistes… On peut  inviter les juifs Tunisiens, dont beaucoup sont  acteurs, humoristes. Ils sont nombreux et ont un grand public. On doit aussi organiser des soirées, des festivals, des débats culturels. C’est   le côté culturel qu’il faudra sortir avec une bonne communication à l’international.   Et comme la Tunisie est en passe de devenir un pays démocratique, il faudrait  inviter la presse internationale et la laisser parler de la Tunisie. Il ne s’agit pas de parler de la révolution mais de la nouvelle Tunisie qui est en train de se construire.  Nous avons également tout intérêt à  créer un buzz sur le 14 janvier. A titre d’exemple, on peut envisager  « le mariage du 14 janvier »  à organiser en Tunisie avec des tarifs spéciaux ou des cadeaux,  une fête nationale célébrant l’anniversaire le 14 janvier. Bref, il faut essayer de créer l’évènement positif à travers  des choses qui marquent les esprits.


La sécurité est là mais les touristes tardent  toujours  à revenir. D’après vous comment peut-on les rassurer ?
Pour communiquer sur le retour de la sécurité et rassurer le client, il ne faut pas dire que la sécurité est revenue. Mais, il faut dire qu’il y a la « fête en Tunisie» ! Les hôtels, les restaurants,  les boites de nuits,  les clubs… sont ouverts. La vie reprend son cours…
 Il faudra aussi montrer la vie quotidienne en Tunisie, c'est-à-dire les marchés, les évènements culturels, la vie économique avec des scènes de  gens qui travaillent…


Entretien conduit par Donia Hamouda Denguir